Logement, santé

Les Mines Domaniales de Potasse d’Alsace.

par M. André d’Andon et J.A. Douffiagues.

Edition DUNOD 1932

Extraits partiels du document :

Il paraît intéressant de nous étendre sur les dispositions prises en vue d’assurer au personnel embauché aux Mines de Potasse, d’une part, la jouissance de logements aussi agréables que possible, et, d’autre part, le bénéfice de mesures d’assistance ou de prévoyance dont aucun règlement ne faisait aux « Mines Domaniales » une obligation


Don de Roger Weissenberger

MAISONS d’habitation :

Le développement des installations d’extraction et de fabrication n’aurait servi de rien aux mines de potasse d’Alsace, si celles-ci n’avaient pas trouvé le moyen d’attirer et de retenir un personnel stable et expérimenté.

Le recrutement d’une main-d’œuvre suffisante est, en effet, pour elles, une question extrêmement importante et particulièrement délicate dans un pays aussi industriel que la région de Mulhouse, ou les besoins de l’industrie mécanique (SACM), joints aux travaux des champs, absorbent, en période de situation économique normale, une très large part de l’activité ouvrière.

Aussi, les mines de potasse se virent elles rapidement dans l’obligation de faire appel à la main-d’œuvre étrangère, pour réaliser les augmentations de personnel qu’exigeait le développement de leur exploitation. L’effectif du personnel ouvrier s’est, en effet, accru de la manière ci-après, de l’année 1919 à l’année 1930 :

Personnel ouvrier inscrit au 31 décembre de chaque année :

1919 3 104 MDPA + 381 KST = Total : 3 485

1922 3 773 1 901 5 674

1924 4 814 1 678 6 492

1926 5 800 2 540 8 340

1928 6 261 2 668 8 929

1930 7 153 3 160 10 313

En outre du personnel recruté sur place ou dans la région de l’Est de la France, les mines d’Alsace ont été amenées à prévoir l’embauchage de travailleurs venus principalement de Pologne et de Tchécoslovaquie et dont l’entrée en France n’a été autorisée par les pouvoirs publics que sous réserve de la réalisation préalable des dispositions destinées à assurer leur logement et, éventuellement, celui de leur famille.

C’est dans ces conditions que, parallèlement aux efforts qu’elles faisaient pour l’augmentation de leur extraction et de leur fabrication de sels concentrés, les mines poursuivaient, pendant les mêmes années, l’exécution d’un important programme de construction de maisons ouvrières, destinées à loger la main-d’œuvre dont l’extension donnée aux exploitations exigeait le recrutement au dehors.

Les installations, qui ne comprenaient, en novembre 1918, pour l’ensemble des mines d’Alsace, que 26 maisons d’ingénieurs, 41 logements d’employés, 112 logements pour familles d’ouvriers et 112 places pour ouvriers célibataires se sont trouvées portées, fin 1930, aux chiffres ci-dessous, en ce qui concerne les seules Mines Domaniales (KST non compris) :

66 maisons d’ingénieurs, 3 087 logements pour familles d'ouvriers,

282 logements d’employés, 661 places pour ouvriers célibataires.


Don de Roger Weissenberger

Les logements pour familles d’ouvriers aménagés depuis la guerre se présentent, pour presque la totalité, sous la forme de maisons doubles, groupées en cités établies à proximité des mines.

Chaque maison double comprend deux logements contigus, complètement séparés l’un de l’autre, pourvus de l’eau courante à l’évier, de l’électricité et du tout-à-l’égout, et, lorsque la chose a été possible, du gaz, et composés, chacun, en principe : d’une cave et une buanderie, au sous-sol. D’une cuisine, de deux chambres et d’un WC à chasse d’eau, au rez-de-chaussée ; d’une ou de deux chambres et deux réduits-débarras, au premier étage. Chaque famille a, en outre, la jouissance d’un jardin attenant à son logement, d’une superficie de 3 à 5 ares, avec un poulailler et un clapier.

Quant aux ouvriers célibataires, ils disposent de bâtiments spacieux, dont il existe, en principe, un par cité et qui constituent de véritables hôtels, pourvus de l’eau courante, à coté de chambres particulières, des cuisines, des réfectoires, des lavabos, une buanderie et une remise à bicyclettes.

La sollicitude des directions des mines de potasse pour le personnel ouvrier de ces mines ne s’est pas bornée à la mise à la disposition de ce personnel, à des prix extrêmement modiques, de logements sains et agréables ; les nouveaux arrivants trouvent toute facilités pour procéder à leur installation, notamment par la location ou l’achat à crédit du mobilier indispensable : fourneaux de cuisine, poêles, lits, tables, chaises, etc.

En outre, les cités qui groupent l’ensemble des maisons construites à proximité des puits et fabriques ne comportent pas seulement des locaux d’habitation. Elles sont complétées par des constructions qu’appelle normalement la vie en commun d’une population ouvrière : écoles, églises, salles de réunions, cantines, coopératives, dispensaires, etc. ...

Dans toutes les cités, les mines construisaient plusieurs bâtiments de bains-douches publics.

Ecoles :

Par suite de la rapidité de l’accroissement de la population ouvrière des mines, les écoles des villages se sont vite trouvées insuffisantes, au point que, dans certaines communes, les autorités académiques avaient dû envisager, en raison du manque de place, de réduire de moitié le nombre normal d’heures de classe.

En droit strict, les mines domaniales n’avaient pas à se préoccuper de cette situation, puisque la construction des écoles indispensables à l’instruction des enfants est mise par la loi à la charge des communes. Mais celles-ci n’avaient pas, le plus souvent, les moyens financiers nécessaires ; d’ailleurs, les auraient-elles eus, qu’elles se seraient vraisemblablement bornées ç agrandir les écoles déjà existantes. Or, cette solution n’eût pas été très bonne pour les familles des ouvriers des mines, car elle aurait obligé, dans la plupart des cas, de tout jeunes enfants à faire plusieurs fois par jour et par tous les temps, un trajet, souvent long, entre les cités et les villages voisins.

Aussi, les mines domaniales ont-elles, en 1927, décidé de se substituer partiellement aux communes et d’édifier, dans leurs cités, des écoles maternelles et des écoles primaires.

Les écoles primaires, destinées, par priorité, aux enfants les plus pauvres, comprennent chacune de cinq à huit classes de quarante élèves. Elles sont très spacieuses et les classes en particulier offrent une hauteur de plafond qui assure un cube d’air important à chaque élève. Les vitres sont en verre spécial laissant passer les rayons ultra-violets.

A coté de chaque école primaire, se trouve une école maternelle, également conçue pour laisser circuler l’air et entrer la lumière. Ce bâtiment renferme une salle de visite médicale et une installation de bains-douches.

Le personnel enseignant appartient aux cadres du ministère de l’instruction publique, et est rémunéré comme tous les membres de l’enseignement primaire public ; mais il reçoit des mines domaniales le logement et les avantages accessoires qui s’y rattachent normalement.

A la fin de l’année 1930, le nombre des écoles aménagées par les Mines était de douze, comprenant, au total, soixante-cinq salles de classe.

Au sous-sol des écoles, une installation spécialement aménagée permettait aux enfants de suivre des séances de « bronzage » par mise en service de lampes à rayons ultraviolets.

L’enseignement donné dans ces écoles est le même que dans toutes les écoles de France : mais, en exécution de conventions conclues entre les Gouvernements français et polonais, il est complété, pour les enfants d’ouvriers polonais qui le désirent, par des leçons d’histoire et de langue polonaise donnée par des enseignants polonais.

En outre, à coté des écoles maternelles et primaires, les Mines domaniales ont, en 1928, créé, pour les femmes et les filles de leurs ouvriers, des cours d’enseignement ménager, comportant des leçons de couture et des leçons de cuisine.

Eglises :

Les mines de potasse d’Alsace, non seulement se sont attachées à donner à leur personnel les plus grandes facilités en ce qui concerne le logement, l’instruction, l’hygiène et, comme nous le verrons plus loin, l’approvisionnement ; mais elles se sont préoccupées également de son libre développement moral et religieux. Tenant compte du fait que les nombreux ouvriers polonais qu’elle emploie appartiennent à la religion catholique et que les autorités polonaises attachent la plus grande importance à ce que ces ouvriers puissent remplir aisément leurs devoirs religieux, tenant compte également du fait que la main-d’œuvre locale appartient-elle aussi pour la presque totalité à la même religion catholique, les mines ont envisagé d’édifier des églises dans les cités les plus importantes.

Déjà, pendant la période de séquestre, une chapelle, jouxtant les bains-douches avait été ouverte dans la première cité ouvrière, près de la mine Joseph-Else. En 1929, dans la cité près de la mine Théodore, les mines domaniales construisaient la première grande église dédiée à Sainte-Barbe, patronne des mineurs. Cette cité fut constituée en paroisse indépendante et un prêtre, logé dans la cité même, y a été attaché comme curé.

Salles des fêtes :

Trois des principales cités ouvrières des mines, Amélie, Marie-Louise et Théodore, comportent chacune une salle des fêtes, munie d’une scène et pouvant contenir environ 700 personnes. Ces salles servent en temps ordinaire, aux exercices de gymnastique ; elles sont complétées par des cabines pour les équipes de football et autres jeux et par des terrains de sport. Elles seront équipées de projecteurs pour les transformer en salles de cinéma.

Cantines :

Cinq cantines (casinos) permettent au personnel des mines de prendre leurs repas sur place et contiennent des chambres à la disposition du personnel ou des ingénieurs, monteurs ou visiteurs de passage à la mine.

Coopérative :

Les mines ont encouragé la création d’une société coopérative de consommation dont leur personnel, employés et ouvrier, est actionnaire, et dont elles aident le fonctionnement en lui prêtant, sans intérêt, son fond de roulement et en mettant gratuitement à sa disposition des vastes entrepôts situés à Mulhouse-Dornach, et une dizaine de magasins tant à Mulhouse que dans les cités minières.

Chaque cité ouvrière possède un ou plusieurs bâtiments prêtes à la société coopérative et comprenant, en sus du magasin de vente, des entrepôts et le logement du gérant. Ces annexes, munies de glacières, sont approvisionnées plusieurs fois par semaine par le magasin Central de Mulhouse-Dornach.

La coopérative fait actuellement un chiffre d’affaires d’environ 3 millions de francs par an.

L’intervention de la société coopérative facilite grandement l’approvisionnement des familles ouvrières et limite à des taux raisonnables les prix des marchandises vendues dans les cités par des commerçants de plus en plus nombreux, dont les automobiles viennent offrir, aux portes même des maisons des cités, toutes les marchandises désirables.

Pavillons de santé :

L’application de la législation sur les assurances sociales et les mesures prises bénévolement pour la recherche des malades et pour les soins dans les hôpitaux ou les sanatorium ont paru, aux mines domaniales, devoir être complétées par l’organisation de soins à domicile.

Il arrive souvent, en effet, et plus pour les Polonais que pour les autres, que les étrangers arrivés dans un pays dont ils ne connaissent pas la langue et ne disposant pas des moindres ressources, au début, ne savent ni comprendre, ni, à fortiori, exécuter les prescriptions des médecins.

Aussi , en 1929, les Mines Domaniales ont-elles installé, dans chacune de leur quatre principales cités, un « pavillon de santé » ou logent deux infirmières, qui donnent des soins sur place, font des pansements, etc. Elles se rendent à domicile des malades et remplissent au besoin les fonctions de gardes-malades. Ces pavillons comportent une infirmerie et une pharmacie pourvues des médicaments usuels et de matériel de pansement. Des médecins, chargés de veiller sur l’état sanitaire du personnel, y donnent également des consultations de nourrissons et des consultations pré-natales.

Travail de Roger Weissenberger avec son autorisation

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Date de création : 10/02/2013 14:30
Dernière modification : 15/02/2013 13:13
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