Rencontre de Jean-Marie Minot

UN APRÈS-MIDI À LA FOSSE 9 D’OIGNIES AVEC JEAN-MARIE MINOT

Les symboles sont souvent bien plus riches que les mots. Pourquoi représente-t-on la passion par une flamme ? Pierre OMBROUCK, membre du Bureau de l'Apphim, et Georges TYRAKOWSKI, adhérent, l’ont compris en ce 25 février 2014 où ils avaient rendez-vous avec Jean-Marie MINOT à la fosse 9 d’OIGNIES. Lorsque vous êtes avec quelqu’un qui vit sa passion, vous avez un sentiment de bien-être, de respect infini et vous ressentez rapidement une chaleur qui vous envahit et qui vous donne envie de l’écouter, de le suivre et de le solliciter pendant des heures afin qu’il vous apporte la lumière sur des questions que vous vous posez depuis des années et dont les réponses n’existent nulle part. Jean-Marie nous a accueillis sur le site avec une simplicité et une convivialité que nous l’oublierons pas ; il sait tout sur la mine, sur les machines utilisées, sur les productions des fosses, sur les qualités des charbons dans chacune d’entre elles, sur la peine et la souffrance des hommes qui ont extirpé des millions de tonnes de houille des entrailles de la terre avec leur sueur et souvent au détriment de leur santé, etc, etc… C’est un grand, un très grand Monsieur, un puits de science et de connaissance que nous nous devions de rencontrer absolument. Pierre disait au moment de notre départ qu’il avait plus appris en ces trois heures qu’a duré la visite qu’en vingt années de recherche dans les livres !

Jean-Marie MINOT est né le 28 juin 1943 à DOUAI et il habitait à côté de la fosse Gayant à WAZIERS. Il a une formation de dessinateur en chaudronnerie, il a travaillé dans de grandes entreprises comme Arbel et Poclain et il a terminé sa carrière en exerçant de grosses responsabilités. Personne dans sa famille n’a été mineur mais il s’est constamment intéressé à l’histoire du charbon, aux méthodes d’extraction dans les fosses mais aussi aux locomotives à vapeur qui s’y croisaient 24h sur 24 pour transporter ce qui remontait du fond. Il a ainsi rassemblé pendant des décennies des documents, des photos et des informations de toutes sortes dont les passionnés de la mine peuvent profiter aujourd’hui. Avec son grand ami Guy DUBOIS, il a écrit les deux tomes de "L’histoire des Mines du Nord et du Pas-de-Calais" qui sont autant de bibles où on trouve de nombreux chiffres, des explications détaillées et de superbes images de sites pour la plupart disparus aujourd’hui ; 5000 exemplaires ont été édités, ce sont des ouvrages très recherchés par les collectionneurs.

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L’aventure oigninoise de la fosse 9 commence quelque temps après la fermeture de celle-ci (on remonte pendant près de six mois le maximum de matériel du fond pour le revendre au prix de la ferraille…). La DRAC de LILLE (Direction Régionale des Affaires Culturelles) prévient les quelques bénévoles qui ne veulent pas voir la fosse rasée qu’ils devraient rapidement créer une association ; c’est ainsi que naît en 1993 l’Acccusto Seci (Association pour la Création du Centre de Culture Scientifique et Technique d’Oignies sur les Sécurités Industrielles) avec Michel DOLIGEZ, le dernier Chef du siège 10, comme Président, assisté d'Olivier KOURCHID, Maître de recherches au CNRS, d'André BENHAMOUDA, de Désiré LEFAIT anciens chefs-porions tous deux, de Robert KÉLIFI, chef d'atelier, et d'un poignée de bénévoles tous anciens de la fosse ; ce sont les membres fondateurs que Jean-Marie MINOT rejoindra un peu plus tard. L’une de leurs premières tâches est de protéger du pillage tout ce qui doit être sauvegardé. L’équipe qui ne compte qu’une dizaine d’hommes au départ se lance dans un travail de folie (qui n’est pas totalement terminé aujourd’hui) pour sécuriser, retaper, gratter, repeindre, vernir, graisser, ressouder, etc, etc… Tout doit être impeccable si on veut qu’un jour le site devienne un musée.

Curieusement, la plupart des mineurs qui ont travaillé là ne sont jamais revenus à la fosse pour aider les quelques "fous" du départ qui viennent tous les lundis faire les opérations de maintenance. En 1994, ceux-ci gagnent un premier combat en parvenant à faire classer le site dont les bâtiments deviennent des monuments historiques. C’est la ténacité et le courage des bénévoles qui permettent au site de garder au jour l’aspect qu’il avait en 1990. Les bâtiments administratifs sont eux aussi retapés et en 2001, la Mission "Bassin Minier" vient s’installer sur les lieux ; elle a pour objet de restructurer celui-ci dans tous les domaines (urbanisation, industrialisation, environnement). En 2003, la Communauté d’Agglomération HÉNIN-CARVIN fait l’acquisition du site avec un projet culturel et économique. En 2011, le 9-9 bis reçoit un prix national du patrimoine récompensant le travail de rénovation.

L’ensemble constitué par la fosse-musée, le Métaphone (salle de spectacle de 1000 places), le café-concert, l’auditorium, les studios d’enregistrement, la salle de danse et l’espace-ressources pour les musiciens sera un pôle régional de culture dont le rayonnement s’étendra au-delà des frontières. La construction de bureaux d’entreprise et la proximité de la plate-forme multimodale Delta 3 le long de l’autoroute A1 en feront aussi un pôle économique. Nul doute qu’aucun de ces programmes n’auraient pu voir le jour sans la motivation des bénévoles de départ pour sauver le site minier de la destruction, ceux-ci méritent donc le respect et la reconnaissance de toute une région. Le site 9-9 bis d’OIGNIES, le siège 11/19 de LOOS-EN-GOHELLE, le Centre historique de LEWARDE et le siège Arenberg de WALLERS ont été les piliers du dossier qui a abouti à l’inscription du Bassin minier sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO le 30 juin 2012.

Il faut voir et entendre tout au long de la visite avec quel amour Jean-Marie présente l’ensemble des travaux de restauration (salle des pendus, douches, puits, recette du jour, salles des machines, réservoirs d’air comprimé, aérateurs, postes électriques, …) qui ont été réalisés pendant toutes ces années. Tout est bichonné, repeint, vernis, graissé, muni de panneaux explicatifs, c’est impressionnant ! "Notre récompense, ce sont tous ces groupes de visiteurs qui se succèdent sur le site et qui peuvent ainsi comprendre ce qu’était la mine et le travail des hommes." se plaît à dire Jean-Marie et c’est vrai que tout est agencé pour s’en faire une bonne idée. On pourra voir dans les pages suivantes quelques photos qu’on nous a gentiment autorisé à prendre mais rien ne vaut une bonne visite avec les explications d’un guide et c’est aussi l’objet de cet article d’en faire la promotion. N’hésitez pas, chers amis passionnés de la mine, à faire le déplacement, l’émotion et l’émerveillement seront au rendez-vous.

L’Apphim exprime ses remerciements et sa reconnaissance à Jean-Marie MINOT et adresse un grand coup de chapeau à toute l’équipe qui a accompli un travail titanesque à la fosse 9-9 bis d’OIGNIES pour que perdure la mémoire de la mine dans la région. De 1720 (découverte de la houille à FRESNES SUR ESCAUT) à 1990 (fermeture de la dernière fosse à OIGNIES), ce ne sont pas moins de 2,36 milliards de tonnes de charbon qui ont été extraites du sous-sol du Nord/Pas-de-Calais par des centaines de milliers de mineurs (il y en avait 220.000 en 1947). Au total, le Nord/Pas-de-Calais comptait 852 puits, 100000 km de galeries et 326 terrils, soit un volume total estimé à 700 millions de m3 de matériaux schisteux qui, s’ils étaient étalés uniformément sur le Bassin minier, en élèveraient le sol d’environ 40 cm ! Dans le Groupe d’OIGNIES (CARVIN, COURRIÈRES, DOURGES, ESTEVELLES, EVIN-MALMAISON, LIBERCOURT, OIGNIES, OSTRICOURT), entre 1841 et 1990, la production nette de charbon a été de 146 millions de tonnes.

Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM

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Date de création : 13/03/2014 13:31
Catégorie : Archives de notre activité - 2014
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Réactions à cet article

Réaction n°3 

par DUPONT le 09/08/2023 10:05

Encore quelques mots, d'abord pour excuser mes fautes d'accord et autres , dans le court message précédent , l'oubli d'un s à descendus et peut-être d'autres encore à venir, je vais avoir 91 ans dans deux mois?

Ceci dit,  la question posée par l'auteur de ce texte concernant l'absence de mineurs de fond pour participer aux travaux de restaurations ci-dessus,? S'interroger de la sorte laisse apparaître une parfaite méconnaissance de l'importante pénibilité et dangerosité  de ce travail du mineur de fond. Sachant qu'aucun ''vrai mineur de fond '' à l'abattage du charbon et au creusement de galerie pendant ses 36 années de service, quand il a la très grande chance d'y parvenir, parce que tué prématurément lors des accidents ou par la silicose, ne l'atteint jamais indemne ? Mon père et beaucoup de ses copains n'ont pas atteint les 36 années de service soit, 50 ans, l'âge de la retraite. Lui, mon père, Martyr de la silicose a été tué par la silicose 48 ans et 9 mois et mon frère, pas de silicose (une escroquerie de plus de l'exploitant ) avec cependant 35 années de fond ? Il est déclaré invalide à 100% à l'âge de 49 ans. ??? Alors, qui sont ces dévoués personnages, << des privilégies comme je l'ai  été moi-moi-même !>>, et ce monsieur dessinateur en chaudronnerie, aucun gène de mineur de fond, un chef d'atelier aux mines, un jeune chef porion en pleine forme , quelques extérieurs ! . 

Je regrette profondément l'indifférence des responsables de Lewarde concernant la publications d'informations sur la mine et les mineurs, parfois erronées ou tout simplement fabulées ! Ma suggestion de rassembler quelques mineurs survivants de l'après guerre et recueillir leur témoignage, les filmer pour en faire un reportage fiable ou un ouvrage de même qualité que celui de Monsieur Augustin VISEUX ou des Mémoires de Monsieur Alexis DESTRUYS , n'a pas été retenu ?? Que sera l'histoire de la mine et des mineurs demain, probablement celle de l'information transmises d'oreilles à oreilles ? Maurice Charles DUPONT


Réaction n°2 

par DUPONT le 09/08/2023 09:03

Je n'ai absolument rien a redire sur l'excellent texte rédigé magistralement par mon ami Georges TYRAKOWSKI. Cependant une courte phrase décrivant les connaissances de Monsieur Jean-Marie MINOT comme étant '' UN PUITS DE CONNAISSANCES'', m'indispose !  En effet ce nom '' PUITS'' ne peut être que subjonctif concernant les connaissances de ce monsieur sur le travail du mineur de fond ? Ni lui, ni aucun membre de sa famille n'a travaillé à la mine, ce qui est écrit dans ce texte ! En outre, les quelques heures de visites au fond de puits de mines avec des amis en qualité de touristes- ce qu'il a écrit sur Facebook! - ne peuvent faire de lui un puits de connaissances concernant le travail du mineur de fond - De surcroît ces visites ont été faites en 1960 , c'est à dire en mines modernes, mécanisées - ces dernières appelées de la sorte par Monsieur Alexis DESTRUYS dans ses Mémoires, qui n'ont absolument plus rien de comparable avec celles d'après guerre ? Monsieur Destruys se dit même en difficultés pour traduire son ressenti à propos de cette triste période, (que mon père  et moi avons vécue, c'est vous dire ? D'ailleurs il ajoute, s'adressant aux septiques du futur.,<< cela fera peut-être sourire ceux qui ne sont jamais descendu dans un puits de cette époque >>. Maurice Charles Dupont


Réaction n°1 

par Maurice_DUPONTGWT2 le 27/08/2017 09:33

Ancien Mineur de 1946 à 1982.

Mes débuts au fond de la mine en plein dans la maudite ''Bataille du Charbon'', (cause de la silicose et donc de la mort prématurée de 67.000 de mes valeureux collègues et de mon père).

J'ai passé 36 années de ma vie à la mine et aujourd'hui il m'arrive parfois de douter de ce que j'ai pu supporter en particulier lorsque j'étais galibot. Mes camarades et moi âgés de 14 et 15 ans, nous blesser volontairement pour échapper momentanément à l'enfer!!!

Qui peut le savoir et le croire sans l'avoir vécu?

Je conseille à ce propos la lecture des Mémoires Professionnels de Monsieur Alexis DESTRUYS, Secrétaire Général du Bassin Nord Pas de Calais. Bassin dans lequel il a fait toute sa carrière.

Dont voici un extrait, page 14 de l'un de ses 2 Tomes.

"Celui qui n'a pas connu les années de guerre puis celles de la Bataille du Charbon et enfin les grandes grèves de 1947 et 1948 ne peut pas comprendre ce que le personnel a vécu...

Moi-même ne puis transmettre l'intensité des épreuves traversées, la dureté des heurts de toutes sortes, les douleurs morales et physiques.

Cela fera peut-être sourire ceux qui n'ont connu que la mine mécanisée moderne et ceux qui ne sont jamais descendus dans un puits de cette époque..."

J'ai énormément de respect et de considération pour Monsieur DESTRUYS. Ce Grand Monsieur qui malgré sa très haute fonction ne cache pas son hésitation à définir, à une certaine époque,l'existence d'une situation extrêmement  difficile et complexe.

Maurice Charles DUPONT