Conférence mineurs du monde rivage de Gayant

LE RIVAGE GAYANT À DOUAI : RENAISSANCE D’UNE FRICHE INDUSTRIELLE

Conférence de Mineurs du Monde 19/11/15 DOUAI

Une fois n’est pas coutume, l’UP2M a commis une petite infidélité à son siège lensois de l’Université Jean Perrin en délocalisant la conférence dans le Douaisis et plus particulièrement dans la Salle Gothique de l’Hôtel de Ville de DOUAI. Si le lieu est prestigieux, l’intervenant ne l’est pas moins ; il s’agit de Jacques VERNIER, Maire de DOUAI de 1983 à 2014, qui fut Député européen, Député du Nord, Président de la Communauté d’Agglomération du Douaisis, … et qui est encore Maire honoraire, Conseiller régional et Président de multiples organismes dont M&C Soginorpa (Habitat minier). Christian MORZEWSKI lui a demandé d’intervenir car il fut le principal maître d’œuvre de la réhabilitation de la friche industrielle du Rivage Gayant commencée au début des années 1990. Jacques VERNIER, alors Maire de DOUAI, ancien Polytechnicien et Ingénieur général des Mines, était déjà à l’époque un spécialiste reconnu de l’environnement, il a d’ailleurs rédigé trois ouvrages dans le domaine :

  • ̎La bataille de l’environnement ̎, Editions Robert Laffont, 1971 ;

  • ̎L’environnement ̎, Presse PUF, Que Sais-je, 1992 ;

  • ̎Les énergies renouvelables ̎, Presse PUF, Que Sais-je, 1992.

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Intervenant prestigieux, salle grandiose, public nombreux. Une superbe conférence ! Photos GT

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  Frédéric CHEREAU, Maire de DOUAI, est venu saluer et remercier son illustre prédécesseur. Photo GT

Avant l’intervention de Jacques VERNIER, Annick LOUVION, Maire-Adjointe à la Culture de DOUAI et Christian MORZEWSKI, Président de l’UP2M, remercient l’intervenant, le personnel municipal qui a préparé la salle ainsi que les nombreux participants. Photo GT

Jacques VERNIER commence son intervention en précisant que le Rivage de Gayant, espace de 40 ha à DOUAI qui est devenu le Parc de Loisirs qui porte son nom aujourd’hui, a eu en fait trois vies : l’époque militaire, l’épopée charbonnière et la réhabilitation.

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Situation du Parc de Loisirs Jacques VERNIER Image : site officiel de la ville de DOUAI

I L’époque militaire

Jusqu’en 1668, DOUAI est une citadelle espagnole très riche renommée pour son industrie lainière. En 1562, Philippe II d’Espagne y fonde une université chargée de faire des propositions pour combattre la Réforme ; DOUAI devient alors une forteresse de la foi catholique. L’Espagne est à cette époque la première nation d’Europe.

Dès la prise de pouvoir du jeune roi Louis XIV en 1654, celui-ci a l’ambition d’agrandir le royaume de France. Au début des années 1660, l’Espagne engluée dans la guerre d’indépendance du Portugal depuis une vingtaine d’années a de plus en plus de mal à défendre ses frontières de ses territoires pour le moins éparpillés ; dans les Flandres, les places-fortes au lieu d’être reliées entre elles sont indépendantes et donc vulnérables. Louis XIV ne supporte plus de voir son royaume ‘’encerclé’’ au sud par l’Espagne elle-même, au Nord par les Pays Bas et à l’Est par la Bourgogne et la Franche-Comté, autant de provinces espagnoles. Lorsque le Roi Philippe IV décède à MADRID en 1665, Louis XIV marié depuis 1659 à Marie-Thérèse d’Autriche, Infante d’Espagne, en profite pour demander la part d’héritage de son épouse et exige que la Flandre soit rattachée à son royaume. La Régente Marie-Anne d’Autriche, veuve de Philippe IV, ne daigne pas répondre pendant plus d’une année au Roi de France qui saisit l’occasion pour envoyer ses armées dans le Nord en mai 1667 et une nouvelle guerre dite de ‘’Dévolution’’ s’engage contre l’Espagne, elle durera une année. Louis XIV est victorieux et le 2 mai 1668, est signé le Traité d’AIX-LA-CHAPELLE en présence du Pape Clément XIII venu en tant que médiateur. Les articles 3 et 4 de cette paix adjugent au Roi de France les cités conquises pendant la campagne de Flandre et qui seront aussitôt fortifiées par VAUBAN :

« En conséquence de la paix, le roi très chrétien demeurera saisi et jouira effectivement de toutes les places, forts et postes, que ses armes ont occupés ou fortifiés pendant la campagne de l'année passée : à savoir, de la forteresse de CHARLEROI, des villes de BINCHE et d'ATH, des places de DOUAI, le fort de Scarpe compris, TOURNAI, OUDENARDE, LILLE, ARMENTIERES, COURTRAI, BERGUES et FURNES, et de toute l'étendue de leurs bailliages, châtellenies, territoires, gouvernements, prévôtés, appartenances, dépendances et annexes. »

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DOUAI devient alors une place militaire importante à la frontière nord du royaume. On y construit des casernes, on consolide les fortifications existantes, on crée un arsenal et une fonderie de canons. Le Fort de Scarpe, construit entre 1670 et 1672 au nord-est de la ville, est de type Vauban. Le Parlement de Flandre, cour de justice, s'installe dans la cité en 1714 dans les locaux du refuge de l'Abbaye de Marchiennes, il s’entoure de nombreux beaux hôtels à la française fréquentés par les échevins. Ainsi rénové, le centre-ville de DOUAI perd ses caractéristiques flamandes à partir de 1718.

NB : la légende de Gayant

Gayant (Géant en picard) était le surnom donné à un forgeron de la ville qui était très grand et très fort sous le règne de Charlemagne ; pour garder sa vigueur, il avait fait vœu de sobriété à l’Archange Gabriel et ne buvait que de l’eau. Il était tellement courageux qu’il a bâti une forteresse. Quand la ville fut attaquée par les Reuzes, des Barbares très cruels, tous les habitants s’y réfugièrent et quand les assaillants réussirent à y entrer, Gayant les a tous fait fuir ou massacrés avec son immense épée. Voulant le récompenser, son épouse Marie lui a donné une pinte de bonne bière douaisienne (la Goudale ou ‘’good ale’’ selon un chevalier anglais) mais le géant désaltéré ne la supporta pas et il devint très malade. La nouvelle parvint aux Reuzes qui étaient restés dans les parages et ceux-ci tentèrent un nouvel assaut. Pourtant très affaibli, Gayant se leva et hurla aux hommes de le suivre ; ceux-ci se sentant invulnérables avec un chef aussi courageux mirent en fuite les barbares qui n’y revinrent plus. Refusant tout médicament, Gayant s’éteignit au milieu de la population qui le pleura longtemps.

En 1479, Louis XI qui venait de vaincre le Duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, voulut s’emparer de la ville de DOUAI qui appartenait au Comte de Flandre mais il n’y parvint pas. Après la levée du siège, les habitants célébrèrent la victoire le 16 juin 1480. Cette fête en l’honneur de St Maurand, patron de la ville, fut reconduite chaque année ; en 1530, on fit défiler un grand mannequin d’osier nommé ‘’Gayant’’.

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Gayant et sa femme Marie. Image Ville de Douai

Après la Révolution française, le Parlement et l'Université sont supprimés mais DOUAI devient pour treize ans (de 1790 à 1803) le chef-lieu du nouveau département du Nord. En 1803, c’est LILLE qui devient la préfecture et DOUAI l’une de ses sous-préfectures. Vers 1840, la révolution industrielle bat son plein et DOUAI devient une gare importante sur la nouvelle ligne PARIS-LILLE ouverte en 1846. En 1850, la Compagnie des Mines de l’Escarpelle ouvre sa première fosse de charbon à ROOST-WARENDIN.

II L’épopée charbonnière

DOUAI se trouve au croisement de deux compagnies, celle de l’Escarpelle au Nord et celle d’Aniche à l’est.

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Trois fosses se trouvent sur le territoire de la commune : le 4-4 bis (production en 1871) et le 5 de l’Escarpelle (production en 1878) dans le hameau de Dorignies et la Fosse Bernard (Compagnie d’Aniche, production en 1912) dans le hameau de Frais Marais. Au sud-sud est, se trouvent les fosses Gayant (à WAZIERS, production en 1856), Notre Dame (à WAZIERS, production en 1858) et Dejardin (à SIN-LE-NOBLE, production en 1904). Treize rivages en bordure de canal pour l’exportation du charbon par des péniches mais aussi pour l’importation de matériaux (bois pour étançonner les galeries, brai d’Europe de l’Est pour la fabrication des boulets) sont construits par l'ensemble des Compagnies Minières du Nord/Pas-de-Calais. Le Rivage Gayant opérationnel en 1860 est le plus important d’entre eux, c’est une plateforme multimodale par laquelle passent un réseau de chemin de fer reliant toutes les fosses précédemment citées, la route nationale DOUAI-LILLE et le canal de la Sensée.

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Le rivage au temps du charbon

En fait, le rivage est formée de deux parties : ‘’le rivage d’en haut’’ où arrivent les trains de charbon qui est chargé dans les péniches par un système de culbuteurs et ‘’le rivage d’en bas’’ avec un système de grues installées sur un grand portique pour le déchargement. A proximité, il y a un énorme parc à bois pour les fosses et une zone de stockage de matériaux divers. Après la fin du charbon dans le Douaisis au début des années 80, le Rivage Gayant devient une friche industrielle très sale, inondée par la nappe phréatique et parsemée d’ouvrages délabrés.

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Le Rivage Gayant était relié à toutes les fosses autour de DOUAI. Image Google Earth

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Le Rivage Gayant en 1984. Photo conférence, autorisation JV

III La renaissance

C’est André CONSTANT, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Douaisis qui, le premier en 1984, a l’idée, de proposer de faire de toute cette zone un parc d’attraction et de loisir. Après tout, l’eau qui remonte à la surface et qui est un inconvénient pour toute construction pourrait être drainée et constituer un lac artificiel pouvant être aménagé. Jacques VERNIER qui vient d’être élu Maire l’année précédente est conquis par l’idée mais il se doute que cette opération aura un coût faramineux. Il organise un concours à destination des architectes paysagistes en 1985 et c’est Didier LARGE qui en est le gagnant, son projet prévoit quatre zones :

  • une zone naturelle boisée,

  • une zone aménagée avec un parc d’exposition (Gayant Expo),

  • une zone semi-aménagée avec un plan d’eau,

  • une zone en devenir (hôtels, restaurants, cinémas, discothèque?).

Ce programme prendra plus de temps que prévu et s’étalera sur une vingtaine d’années en cinq étapes.

1) 1990 : Assainissement de la ‘’cunette’’ des Pestiférés, coût de 5 M€

‘’Cunette’’ est un mot dérivé du mot espagnol ‘’cuneta’’ qui veut dire ‘’fossé’’. Depuis la fin de l’activité du Rivage, les eaux pluviales, les eaux usées, sales et puantes ainsi que celles de la station de relevage de WAZIERS arrivaient dans la cunette. On les dévie pour qu’elles soient désormais collectées par une nouvelle station d’épuration (STEP) où elles sont traitées et renvoyées propres dans le canal de la Scarpe. La cunette est ainsi supprimée et le terrain est asséché, c’est sur cet espace qu’on construira Gayant Expo.

2) 1994 : Requalification du site, coût de 1 M€

On effectue des travaux de terrassement, de curage, de démolition, de boisage (79000 jeunes plants et 530 arbres) et d’engazonnement (12 ha).

3) 1998 : Construction de Gayant Expo, coût estimé de 100 M€

Le financement est assuré par plusieurs partenaires. La société belge qui a commencé et presque fini la construction fait faillite, la ville de DOUAI rachète alors le chantier pour 22 M€ et termine les travaux. C’est alors la plus grande salle de spectacle au Nord de PARIS (30000 m²), elle occupe une position privilégiée au cœur de l’Euro-région PARIS-LONDRES-BRUXELLES et elle est très accessible par autoroute (A1-A21), par TGV et par avion (36 km de LESQUIN) ; on peut y organiser des concerts rassemblant des milliers de spectateurs (tout le monde s’accorde à dire que l’acoustique est excellente), des rencontres sportives internationales, des représentations théâtrales de grande envergure, des expositions, des congrès, des salons divers…

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Gayant Expo : une surface de 30000 m². Photo conférence autorisation JV

Gayant Expo : l’entrée. Photo conférence autorisation JV

4) 1999 : Aménagement du parc et du cheminement des berges, coût de 1,5 M€ (ville)

Autour du plan d’eau est aménagé un parc de 20 ha comprenant :

  • une roselière : c’est une zone bordière constituée principalement de roseaux qui abritent les nids de nombreux oiseaux des marais et qui assurent l’épuration de l’eau ;

  • une bétulaie : bois où dominent les bétulacées (principalement le bouleau mais aussi le charme et l’aulne), ces arbres peuvent prospérer et stabiliser des sols très pauvres et même asphyxiques ;

  • une saulaie : espace rempli de saules, arbres à feuilles lancéolées (qui se terminent en forme de lance) appréciant les sols frais hygrophiles (qui absorbent l’eau) ;

  • un amphithéâtre de verdure.

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Plan général du parc. Photo conférence, autorisation JV

Le plan d’eau. Photo conférence, autorisation JV

Autour du plan d’eau. Photo conférence, autorisation JV

Plus on s’éloigne de Gayant Expo sur le site et plus on avance vers un milieu naturel très verdoyant.

On a dénombré dans la flore présente jusqu’à 143 espèces et dans l’avifaune 59 oiseaux différents (oies, cygnes, hérons cendrés, fauvettes…).

Rives très fleuries. Photo conférence, autorisation JV

Superbe paysage d’automne. Photo conférence, autorisation JV

5) 2013 : Aménagement du parc de loisir, coût de 2 M€ (ville)

Les habitants souhaitent que soient aménagés une aire de jeux pour les enfants, un parcours d’accrobranche et une base nautique pour du kart et des balades en bateau ; leurs vœux sont exaucés.

Aire de jeux pour les enfants. Photo conférence, autorisation JV

Parcours d’accrobranche. Photo conférence, autorisation JV

Kart nautique. Photo conférence, autorisation JV

Balade en bateau. Photo conférence, autorisation JV

6) Ce qui n’a pas été réalisé (pour l’instant)

- le mesuroscope : centre scientifique où on présente toutes sortes de mesures de façon ludique (idée d’un ingénieur de l’École des Mines de DOUAI) ;

- une discothèque pour attirer et distraire la jeunesse régionale le week-end ;

- un restaurant.

Maquette d’un restaurant. Photo conférence, autorisation JV

La conférence de Jacques VERNIER s’est terminée sur ces petits regrets. Il reste donc encore une zone à aménager entre Gayant Expo et le plan d’eau (c’est là qu’étaient prévus la discothèque et le restaurant). La nouvelle équipe municipale a voulu remercier celui qui s’est tant battu pendant trente longues années pour la réhabilitation de la friche du Rivage Gayant en donnant son nom au parc de loisirs qui est devenu le Parc Jacques VERNIER, un hommage amplement mérité !

Merci Monsieur VERNIER pour cette superbe conférence ! Photo GT

Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM

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Date de création : 03/12/2015 22:24
Catégorie : Archives de notre activité - 2015
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