Sortie sur le terril 14 Auchel

Excursion sur le terril n°14 d’AUCHEL avec CPIE Chaîne des Terrils

Dimanche 28 août 2016, il fait un peu moins chaud que la veille (la canicule sévit depuis une semaine), ouf ! Nous sommes huit à avoir répondu à une invitation de l’Association CPIE Chaîne des Terrils pour découvrir ‘’les traces du charbon’’ entre MARLES-LES-MINES et AUCHEL, le clou de l’après-midi doit être l’ascension du terril n°14 de la fosse 5 d’AUCHEL.

Le guide, Philippe MARTIN, nous rassemble au point de départ sur le chemin qu’on appelait autrefois ‘’la Vallée Carreau’’, chemin sur lequel la Compagnie des Mines de MARLES avait édifié un terril cavalier (en longueur) sur lequel passaient les trains de charbon en provenance des fosses 3 et 5. D’emblée, on se rend compte que notre ‘’chef’’ a une élocution remarquable et qu’il manie le langage scientifique avec beaucoup d’aisance et de pédagogie ; je lui demande en aparté quelle est sa profession : il est docteur en physique et ingénieur ‘’qualité’’sidérurgiste chez Thyssen-France à ISBERGUES, ceci explique cela… Philippe est l’un des premiers guides formés par CPIE La Chaîne des Terrils à LOOS-EN-GOHELLE il y a quelques années.

terril14-01.jpg

Philippe (en blanc) explique le programme de la balade qui durera environ
3 heures. Il ne fait pas trop chaud, ce devrait être super ! Photo GT

En route sur le terril cavalier vers le terril n° 14 ! Photo GT

Des arrêts fréquents permettent de donner des explications très intéressantes :

  • Comment le charbon s’est-il formé ?

  • Depuis quand l’exploite-t-on sur la Terre, en France, dans le Nord, dans le Pas-de-Calais, à MARLES ?

  • Quelles sont les différents types de charbon ? Qu’est-ce que le coke ?

  • Quel a été le rôle du charbon dans la 1ère Révolution Industrielle (machine à vapeur, électricité, transports) au milieu du XIXème siècle ?

  • Comment l’expoitait-on au départ (outillage, machine d’extraction, conditions d’exploitation, le travail des enfants et des femmes, les chevaux…) ?

  • Quelle a été l’évolution des méthodes d’exploitation jusqu’à la mécanisation à outrance des dernières années (arrêt du siège 2 d’AUCHEL à MARLES-LES-MINES le 29 mars 1974) ?

  • Quelle sont les différences entre le pétrole et le charbon ? etc, etc, …

Le groupe très attentif pose de nombreuses questions auxquelles il est répondu avec beaucoup de pédagogie et de précision.

Philippe utilise un livret édité par CPIE La Chaîne des Terrils qui est très bien fait. Photos GT
Exercice pratique : ‘’Trouvez-moi au moins cinq cailloux de natures différentes.’’ Photos GT

La diversité des roches dites ‘’stériles’’ est absolument incroyable : schistes (mélanges divers d’oxydes métalliques) noirs, gris, orangés ou rouges (selon leur état de cuisson dans le terril), sidérose (carbonate ferreux), grès (grains de silice SiO2 agglomérés par un ciment de type calcaire ou argileux, aspects et couleurs variables selon la composition). Le guide présente une magnifique pyrite (persulfure de fer FeS2) étincelante.

Au milieu de ce mélange multicolore, on distingue un grand nombre de petites pierres noires plus légères et brillantes ; c’est du charbon, le précieux combustible, arrivé là car la séparation entre le combustible et les stériles manuelle au départ (par des jeunes filles appelées ‘’les cafus’’, une photo d’une chaîne de triage du XIXème siècle nous est présentée) puis par flottation dans les lavoirs (passage du minerai extrait dans une liqueur dense) n’était pas toujours performante.

Le guide fait une petite expérience très explicite pour montrer le principe de la
flottation : il a préparé une solution dense (solution saturée de sel et de sucre) dans
laquelle les schistes coulent mais le charbon flotte. Dans les lavoirs modernes, cette
solution était remplacée par une liqueur dense (solution d’acide sulfurique concentrée
ou solution contenant des composés ferreux appelée ’’magnétite’’). Photo GT

Mais pourquoi plus de personnes ne s’intéressent-elles pas davantage à cette formidable
épopée du charbon ? L’exposé de Philippe contient de l’histoire, de la géographie, de la physique,
de la chimie, de la géologie, de la botanique, de la zoologie, de la sociologie, de l’économie,
etc… Un grand bravo à Philippe pour ses multiples connaissances, il nous a épatés ! Photo GT

Allez, on escalade le terril ! Photo GT Dur, dur, pente supérieure à 35% ! Photo GT

Arrêt à mi-parcours pour présenter les différentes plantes (fleurs, arbustes)
et la faune (oiseaux, insectes, mammifères) présentes sur le terril. Photo GT

La montée n’est pas très difficile même si la pente avoisine par endroit les 40 %. Le terril qui était classé ZNIEFF (zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique) est moins haut depuis 2003 à cause d’effondrements dus à sa combustion lente (des solides de l’intérieur se transforment par pyrolyse en gaz avec perte de masse et il se crée des cavités qui provoquent des éboulements). Il a fallu effectuer des travaux très lourds (creusement et colmatage par de l’argile et des schistes du terril du 3 voisin) ; le terril du 5 est sécurisé depuis juin 2004 et ré-ouvert au public, une bande caoutchoutée a même été installée sur la rampe dans la partie haute. La forme du monstre a ainsi changé, son altitude ne vaut plus que 83 m.

Les caractéristiques initiales du terril au moment de l’arrêt de la production de la fosse 5 en juillet 1964 où elle a été concentrée sur le siège 2 à MARLES-LES-MINES étaient les suivantes :

  • Hauteur : 103 m (178 m par rapport au niveau de la mer),

  • Volume de schistes : 4,2 millions de m3, soit environ 6 millions de t ; la fosse ayant produit 37,47 millions de t en 88 ans (1876-1964) , la masse du terril représente donc 6 : 43,47 ≈ 14 % de ce qui a été remonté au jour, on voit que les Mineurs ont extrait environ 7 fois le volume du monstre !

  • Surface de base : 13,2 ha, soit 26 terrains de football environ !

Le haut du terril sécurisé est plat, la vue à 360° est extraordinaire. Photo GT

Par temps clair (c’était le cas), on voit au Nord les Monts des Flandres (Mont Cassel, Mont des Cats, Mont Noir, Mont Rouge, Mont Kemmel). Vers le Sud, on voit la suite des terrils d’Ouest en Est vers LENS.

Une bonne de douzaine de terrils sont visibles à 360°. Photo GT

On voit aussi l’immensité des corons marlésiens. On peut parcourir de gauche à droite de la Cité Ste Barbe (à la limite de LOZINGHEM, non visible sur la photo) à l’extrême droite vers la Cité du 5 (à la limite de CAMBLAIN-CHÂTELAIN, non visible sur la photo) près de 3 km sans sortir des corons, c’est unique en France et sans doute en Europe !

Le guide nous montre alors les quatre types de logement minier (ça aussi, c’est unique !):

  • Au Nord (3 d’AUCHEL à la base du terril), on a les corons les plus anciens (barres de logements accolés datant de 1880).

  • Au Sud, on a une cité pavillonnaire (Cité de MARLES, 1920) avec des jardinets derrière les maisons et une cité-jardin (Cité du Rond-Point, 1930) où toutes les rues ‘’se branchent’’ sur un grand rond-point et où toutes les maisons ont des jardins devant et derrière.

  • Au Nord de la fosse 3, on aperçoit une cité plus récente (Cité de LOZINGHEM 1950) où les maisons basses ont des formes moins traditionnelles.

Les vieux corons du 3 d’AUCHEL qui seront bientôt démolis. Photo GT

Au premier rang, la cité pavillonnaire (Cité de Marles) ; au centre, la cité-
jardin (Cité du Rond-Point avec son disque central engazonné). Photo GT

Fin de l’exploitation du terril du 3 et cité moderne de Lozinghem. Photo GT

Voici deux photos anciennes du terril du 5 et de son environnement.

Le téléphérique du 5, un spectacle extraordinaire pour les enfants ! Collection Apphim

Le téléphérique transportait les stériles dans des petits wagonnets sur la plateforme du terril. Ceux-ci déversaient leurs contenus dans d’autres plus gros qui faisaient l’ascension jusqu’au promontoire. Arrivés en haut, il y avait un astucieux système de ‘’balloir’’ où on vidait les contenus des wagonnets une fois à gauche, une fois à droite ; 6 à 7 personnes travaillaient sur le terril. Du bas, on voyait souvent des petites fumerolles blanches provenant de la combustion interne du monstre.

Voici une autre photo extraordinaire datant de 1950 où on voit l’énorme concentration de cités minières sur AUCHEL-MARLES-LES-MINES et les grands terrils côniques des fosses de l’ancienne Compagnie de MARLES.

Entre les deux terrils n°14 et n°23, il y avait une décharge à ciel ouvert, tout a dû être recouvert de schistes à l’arrêt des Mines. La route non goudronnée qui passait là permettait une liaison piétonnière entre la Cité de Marles et celle du 3 d’AUCHEL et un accès à la décharge pour les camions.

Sur le terril n°8 ‘’Mare à boue’’, le long de la voie ferrée, les Allemands avaient édifié à la hâte un camp de prisonniers pour les Russes après 1941 ; à la fin de la guerre, ce sont des soldats de la Wehrmacht qui les ont remplacés...

 En bas du terril du 5 ‘’côté Marles’’, un long ruisseau amenait les eaux sales des bains-douches de la fosse dans la ‘’Mare à canards’’, un endroit dangereux (sables mouvants) à la base du terril du 5 côté Est où jouaient tous les gosses de la cité (pêche d’épinoches, chasse à la grenouille, construction de cabanes, …) malgré l’interdiction du Garde des Mines ; il n’y a jamais eu d’accidents ni de noyades, c’était une autre époque !

PS : personnellement, j’ai éprouvé beaucoup d’émotion à effectuer cette balade sur le terrain de jeux de mon enfance (j’ai 64 ans et j’habitais au 15 rue de Nantes de la Cité de Marles) ; je conseille vivement à toutes celles et tous ceux qui ont à peu près mon âge et qui sont originaires du coin de s’inscrire à l’une des visites organisées par CPIE La Chaîne des Terrils, ils seront enchantés. La balade présente également un grand intérêt pour les générations qui ont suivi (parents et enfants), ces endroits qui étaient sales au moment de l’activité charbonnière sont devenus aujourd’hui des paradis écologiques pour les visiteurs mais aussi pour la faune qui s’y est installée et ils méritent le détour. Encore bravo à notre guide et longue vie à son association !

Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM

Pour tout renseignement concernant les sorties (gratuites) sur les terrils organisées par le CPIE :

Les sorties de 2016 concernant MARLES-LES-MINES ont eu lieu les dimanches 24 avril, 29 mai, 19 juin, 10 juillet et 28 août ; deux autres sont encore prévues les 24 septembre et 9 octobre.

On peut consulter les différents rendez-vous proposés par l’association ainsi que ses activités sur le site : www.chainedesterrils.eu

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Date de création : 31/08/2016 16:17
Catégorie : Archives de notre activité - 2016
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Réactions à cet article

Réaction n°1 

par Florence le 11/06/2017 21:14

Aujourd'hui, 11 juin 2017, nous avons à notre tour pu faire l'excursion "sur les traces du charbon". C'est un véritable plaisir que de redécouvrir le terril à côté duquel nous vivons. Cela nous a permis de renouer avec certaines connaissances ( Comment se forme le charbon ? Quelles sont ses différentes formes : anthracite, houille, lignite et tourbe ? Nous avons pu différencier les schistes, grès et charbon, comprendre le risque minier et aussi s'intéresser à la faune et la flore (millepertuis, sedum acre, piloselle, vipérine, ...) Bravo à notre guide Philippe qui a su captiver nos enfants, nous n'avons pas vu passer ces trois heures et nous espérons pouvoir prochainement réaliser une prochaine excursion passionnante.